L’universalisme de Grégoire

Sepinwall, Alyssa Goldstein. The Abbé Grégoire and the French Revolution: The Making of Moder Universalism. Berkeley: California University Press, 2005.

Gregoire

Ce livre je l’ai lu en 2011. Les fiches que j’ai en fait attendait là, le temps de pouvoir être travaillées. Il s’agit d’une de dernières biographies sur l’abbé Grégoire, figure et symbole de la Révolution Française.

En reprenant les réflexions de Roger Chartier, Sepinwall nous met en garde sur la vision idéalisée des rapports entre les Lumières et la Révolution Française. On a beau chercher et trouver les origines du mouvement révolutionnaire dans la pensée des philosophes, sans trop faire la critique de cette conception. Cependant, il y a eu d’autres acteurs, intellectuels ou non, que n’ont forcément pas un lien direct, voire sont complètement opposés aux Lumières. Tels sont les cas, à divers degrés, de la maçonnerie, du jansénisme, du richerisme, et des intellectuels juifs. Ainsi, Sepinwall propose que « ce ne sont pas les Lumières qui ont créé la Révolution, mais la Révolution qui a créé les Lumières » (p. 11).

Je ne ferais pas ici le résumé de la vie de l’abbé. L’exposé de Sepinwall est chronologique et, de ce point de vue, il est très claire. On parcourt la vie depuis les origines et les premières influences intellectuelles du jeune Grégoire, jusqu’à son activité comme législateur et auteur sous le régime napoléonien. On ne peut, par contre, ne pas signaler la ferme volonté de Grégoire pour essayer d’harmoniser les idéaux révolutionnaires et la foi chrétienne : il a été parmi les premiers prêtres à faire le serment constitutionnel, et il a été entre ceux qui ont refusé de renier de la foi chrétienne ou d’abandonner les habits ecclésiastiques. Une des innovations de cette ouvrage, comme le signale Bernard Gainot dans sa critique, c’est son exposé sur les liens de Grégoire avec des penseurs d’Amérique Latine, en particulier avec Fray Servando Teresa de Mier, « théoricien en chef de l’insurgence mexicaine », et des Etats-Unis (la trosième partie, intitulée « Keeping the Faith: Grégoire, Regeneration, and the Revolution’s Global Legacy, 1801-1831 », pp. 159-215).

Extrait du tableau du serment du jeu de paume de David.Cadrage sur dom Gerle (clergé régulier), l'abbé Grégoire (clergé séculier) et Rabaut Saint-Étienne, fils du pasteur Paul Rabaut (protestant).

Serment du jeu de paume de David (extrait). À gauche, dom Gerle (clergé régulier), l’abbé Grégoire (clergé séculier) et Rabaut Saint-Étienne (protestant). Source : Wikipédia

Ce qui m’intéresse de cette biographie est le travail autour de la notion de « régénération », que nous pouvons affirmer, c’est l’axe du livre. Au XVIIIe siècle, le mot avait deux sens : un médical, qui faisait référence aux soins dispensés aux blessures, et un théologique, qui faisait référence au baptême ou à la résurrection (p. 57). Quoique dans l’Encyclopédie le mot régénération est définie dans le sens théologique, d’Alembert l’emploi dans le Discours Préliminaire dans un sens intellectuel et séculaire. Pour parler des idées et de la génération de la connaissance, d’Alembert oppose l’ignorance et la régénération. Le mot s’est répandu et aux Etats-Généraux, Louis XVI a été proclamé comme « le grand régénérateur de la France » (p. 58)

À différence d’autres philosophes, Grégoire croyait en la possibilité d’instruire le peuple, la « canaille » (p. 41). Il s’agit de mettre en oeuvre l’idéal de régénération, par le moyen de l’instruction publique. C’est pour cette raison que l’abbé entreprend la tâche d’éradiquer le patois. Grégoire faisait partie de la Société des Philanthropes de Strasbourg. Cette société a été créée autour de 1770. Elle était dédiée à l’observation et à l’étude de la société (p. 28-29). C’est là qu’il a fait connaissance de Jérémie-Jacques Oberlin, qui très probablement l’influence dans son idée d’instruction publique généralisée. D’ailleurs, en 1775, Oberlin avait écrit un Essai sur le patois lorrain, où il affirme que le lorrain est plutôt une corruption du français, qui n’avais pas besoin d’être modernisé ou, dans d’autres mots, qui avait besoin d’être éradiqué.

L’idée de l’éradication du patois serait, pour Grégoire, le premier pas pour réussir à l’instruction du peuple, de la « canaille » (p. 41), idée à laquelle il était attaché (p. 38). Sepinwall souligne l’importance des écrits de Grégoire sur les juifs. En 1787, Grégoire avait participé dans un concours de la Société royale des sciences et des arts de Metz, sur la question Est-il des moyens de rendre les Juifs plus utiles et plus heureux en France ?. Ce travail est basé sur la notion de « régénération », que deviendra, quelques années plus tard, l’un des concepts les plus importants du mouvement révolutionnaire.

Le vocabulaire « universaliste » de la Révolution française est issu, d’après Sepinwall, des choix pragmatiques. Les spécialistes les plus anciens voient dans ce vocabulaire un choix conscient, tandis que les nouveaux études à ce sujet montrent un choix rétrospectif. Ce choix pragmatique, a diverses raisons : le désire de détruire le système de privilèges qui refusait au Tiers Etat les privilèges que le Premier et le Second en avaient, et en deuxième place, le désire de substituer la souveraineté monarchique pour la populaire. Pour Grégoire, l’universalisme ne concenrait juste une inclusion politique de tous les individus, mais aussi une fusion culturelle.

Hubert Robert, La violation des caveaux des rois dans la basilique Saint-Denis, en Octobre 1793

Hubert Robert, La violation des caveaux des rois dans la basilique Saint-Denis, en Octobre 1793

Un autre aspect qui m’intéresse particulièrement de l’abbé Grégoire est, bien sûr, ses écrits sur le vandalisme, mais malheureusement pour mois, ils ne sont pas l’objet d’un étude approfondi par Sepinwall. Grégoire inventa le terme. Sepinwall affirme que l’idée de vandalisme dans la pensée de Grégoire est dérivée de sa conception de l’histoire et comment elle faisait partie du procès de la Révolution française.Grégoire, comme d’autres révolutionnaires, voyait dans l’histoire une référence pour la France, une sorte de paternité qui permettait légitimer le nouveau régime. Cependant, même si le passé était vu comme une référence de la plus grande importance, il n’était pas vinculante. Grégoire considérait l’histoire comme un registre des progrès de l’humanité, un registre qui devait être préservé et examiné pour garantir le progrès futur. Cette vision lui permettait dénoncer les destructions des monuments historiques, de ce qu’aujourd’hui nous appelons le « patrimoine culturel français » (p. 138).

Quelques écrits de Grégoire sur l’importance de l’instruction publique :

  • Rapport sur la nécessité & les moyens d’anéantir le patois, & d’universaliser l’usage de la langue française, séance du 16 prairial an II [4 juin 1794] à la Convention Nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1794
  • Discours sur l’éducation commune, séance du 30 juillet 1793 à la Convention Nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1793
  • Rapport sur l’ouverture d’un concours pour les livres élémentaires de la première éducation, séance du 3 pluviôse an II [22 janvier 1794] à la Convention Nationale, Paris, Imprimerie Nationale, 1794
  • Nouveaux développemens [sic] sur l’amélioration de l’agriculture, par l’établissement de maisons d’économie rurale… , séance du 16 brumaire an II [26 octobre 1793] à la Conventiona Nationale, Paris, Imprimerie Nationale, 1793

D’autres ouvrages qui peuvent servir à la lecture de Sepinwall :

  • OZOUF, Mona, « La Révolution française et la formation de l’homme nouveau », in L’homme régénéré : Essais sur la Révolution française, Paris, Editions Gallimard, 1989
  • BAECQUE, Antoine de, « L’homme nouveau est arrivé: La ‘régénération’ du français en 1789 », Dix-huitième siècle, n° 20, 1988, 193-208
  • BELL, David A.l, Cult of the Nation in France. Inventing Nationalism, 1680-1800, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2001

Sept millions de livres

D’Ormesson de Noyzeau, Anne-Louis-François de Paule Lefèvre. « Relevé des bibliothèques des maisons d’hommes et de femmes de Paris et des quatre-vingt-trois départements ». s.l., ca. 1790. CARAN. D XXII, dossier 2, n° 8.

Premier page du "Relevé des bibliothèques des maisons d'hommes et de femmes de Paris et des quatre-vingt-trois départements", Archives Nationales (CARAN), D XXII, dossier 2

Premier page du « Relevé des bibliothèques des maisons d’hommes et de femmes de Paris et des 83 départements », Archives Nationales (CARAN), D XXII, 2

La Commission des monuments fut chargé d’inventorier les monuments de France, depuis 1791 et jusqu’à 1794, quand elle a été substitué par la Commission temporaire des arts. On aura, j’espère, l’opportunité d’en parler. De ce fait, la Commission a été chargé de veiller pour la conservation des œuvres d’art, la plupart nationalisée avec les biens de l’église, et plus tard de la Couronne et des émigrés.

Le 5 juillet 1791, lors de sa séance du jour, les commissaires ont discuté sur la situation des bibliothèques des couvents parisiens et dans le reste du pays. L’abbé Mercier, l’un des membres, a lu un rapport sur le sujet.

Dans son rapport, Mercier faisait part d’un mémoire, d’après lui rédigé en 1722, et envoyé récemment au Comité d’aliénation par Louis-François d’Ormesson, ancien bibliothécaire de Louis XVI. Le rapport de Mercier, que ne nous est pas parvenu, aurait porté par titre « État général des livres de 162 maisons ecclésiastiques du Département de Paris selon les déclarations reçues jusqu’à ce jour, 1er mars 1791 » ; cependant, nous avons pu consulter le mémoire d’Ormesson aux Archives Nationales.

Au delà des critiques de Mercier, – « il [Mercier] prouve combien ce dernier [l’inventaire de d’Ormesson] est défectueux » –, il sert à se donner une idée des conditions des bibliothèques et de la tâche à faire par les Commissaires. On y rapportait un total de 808,120 volumes – dont seulement 14,249 étaient imprimés – dans les couvents masculins et féminins de Paris : 761,318 dans les premiers, 46,802 dans les deuxièmes. On comptait aussi trente-et-un « Liasses de titres » et cinq cabinets naturelles et de médailles.

Parmi les bibliothèques des couvents masculins les plus riches à Paris, on remarque les suivantes :

Deuxième page du "Relevé des bibliothèques des maisons d'hommes et de femmes de Paris et des quatre-vingt-trois départements", Archives Nationales (CARAN), D XXII, dossier 2

Deuxième page du « Relevé des bibliothèques des maisons d’hommes et de femmes de Paris et des 83 départements », Archives Nationales (CARAN), D XXII, 2

  • Sainte Geneviève, 60,120 volumes
  • Saint Germain-dès-Prés, 56,459
  • Oratoriens rue Saint Honoré, 37,750
  • Augustins reformés, 36,000
  • Bibliothèque de la Sorbonne, 36,000
  • Saint Victor chanoines réguliers? 35,970
  • Dominicaines de la rue Saint Honoré? 35,100
  • séminaire Saint Sulpice, 31,000

Parmi les féminins, on trouve :

  • Carmélites au faubourg Saint-Jacques, 3,000 volumes
  • Abbaye de Saint-Antoine, 3,000
  • Abbaye de Val-de-Grâce, 2,850
  • De la Charité à la Place-Royale
  • Filles de Saint-Thomas
  • Visitation de Sainte Marie
  • Saint-Élisabeth? entre 2000 et 2200 chacun

Quant au reste des départements, un autre « Relevé des bibliothèques des quatre-vingt-trois départements », contenu dans la même pièce par d’Ormesson, rapporte 4,194,412 volumes pour tous les couvents français, dont 25,973 manuscrits, 1,1176 liasses de titres et 37 « cabinets des médailles ». Il faut noter les énormes disparités entre départements : certains couvents comptaient avec plusieurs milliers d’imprimés et quelques manuscrits, voire un seul, dans les départements voisins les chiffres sont complètement contradictoires. C’est le cas, par exemple, de l’Ardèche, qui répertorie 4,436 ouvrages imprimés et un seul manuscrit. Le département voisin, la Drôme, signale 27,928 volumes écrits et 30 manuscrits.

Dans le reste du territoire français il faut remarquer la richesse des bibliothèques dans les départements de Paris (808,120), du Nord (201,565), de la Meuse (149,280), de l’Aîne (137,145), du Pas de Calais (118,775) et de la Seine-Inférieure (119,544) et de la Marne (116,510).

En tout, le rapport estime le total d’ouvrages dans les couvents français à sept millions de volumes, dont trois millions étaient ouvrages de théologie.

Dernière page

Dernière page du « Relevé des bibliothèques des maisons d’hommes et de femmes de Paris et des 83 départements », Archives Nationales (CARAN), D XXII, 2

Preuve, monument et Dante

Zumthor, Paul. « Document et Monument?: A propos des plus anciens textes de langue française ». Revue des sciences humaines no 97 (mars 1960): 5-19.

paul zumthor

Paul Zumthor (1915-1995)

Dans ma recherche sur la preuve et le monument, je suis tombé sur une référence au travail du professeur Paul Zumthor. C’est un travail assez vieux, mais très spécialisé, ce qui lui a permit de conserver beaucoup de son actualité.

Dans cet essai, Zumthor étudie les rapports entre monument et document, depuis le point de vue de la littérature. Zumthor part du constat que la langue sert à communiquer, au moins, à deux degrés : d’un côté, elle permet une communication courante, aspect qu’on pourrait appeler ‘pragmatique’, et de l’autre, elle permet une communication soutenue. Cela est, en fait, le point de partie de nombre d’analyses littéraires des anciennes langues romanes (langue d’oc, d’oïl, de si ou de jo).

Mais Zumthor critique que ce constat soit aussi le point d’arrivé de nombre d’investigations. Il est vrai que grâce à cette observation, on peut opposer la langue écrite à la langue orale ; mais il ne faut pour autant perdre de vue que les deux langues peuvent se superposer et même partager des caractéristiques (p. 5). C’est un erreur que de rester dans la croyance que la parole écrite et la parole orale sont diamétralement distinctes :

… la communication orale peut participer de la nature du texte, voire se confondre avec celui-ci. Entre l’acte d’un juge coutumier carolingien « disant le droit » devant les témoins, et l’acte du notaire chargé d’établir le texte des Serments finals du plaid de Strasbourg [les Serments de Strasbourg], la différence est minime, sinon négligeable (p. 6).

Les Serments de Strasbourg. Source : BNF

Les Serments de Strasbourg. Source : BNF

En étudiant ce qui sont considérés les premiers textes de la langue française – la Formule de Soissons (ca. 785), les Serments de Strasbourg (842), la Chanson du roi Lothaire (ca. 860) et la séquence d’Eulalie (ca. 880) -, Zumthor rend compte du fait que, de la même manière que dans les langues romanes, dans la langue latine existe une opposition entre ces deux fonctions.

Le fait d’attribuer une solennité plus marquée à l’écrit est dû à la matérialité du livre, matérialité qui fixe la parole. Mais c’est une identification trompeuse. Par contre, parmi les productions linguistiques, que ce soient écrites ou orales, Zumthor propose de distinguer entre documents et monuments. Les premières servent à satisfaire des besoins de communication courante, et les deuxièmes servent à une édification « au double sens de ce mot : élévation morale, et construction d’un édifice » (p. 8).

Les produits linguistiques peuvent donc passer de la fonction primaire de document, à la fonction secondaire de monument, grâce à un signal. Ce signale ou « forme de l’expression » peut être de deux formes : « les figures de pensée » et les « figures de sons, de mots, et de grammaire » (p. 8). Les premières sont l’abstraction, la généralisation et les transferts métaphoriques. Les deuxièmes son des choix lexicaux, de la syntaxe et du rythme (p. 9). En suite, Zumthor donne des exemples sur quelques uns des documents qu’il a étudié ; exemples que nous ne résumerons pas, car trop techniques (cela appartient au champ des linguistes, et n’a beaucoup d’incidence dans ma recherche).

Classification des langues romanes. Source : Wikipédia

Classification des langues romanes. Source : Wikipédia

Par contre, ce qui m’intéresse ici c’est le fait que les monuments archaïques les plus explicites conservés sont de nature juridique. Cependant, et c’est là que je trouve un intérêt encore plus particulier, le folklore peut nous donner des exemples des monuments. Des indices monumentales se trouvent par exemple, dans les refrains populaires. Dans un étude sur l’Andalousie, on trouve des refrains inchangés pendant trois siècles. En effet, ils ne montrent aucune évolution ni dans le vocabulaire, ni dans la syntaxe, ni dans la topique (p. 11).

Face à la perte de la langue latine dans les restes de l’Empire Romain, dans les royaumes barbares ou, comme Zumthor les appelle, « les royaumes les moins inorganiques de la Romania : Gaule mérovingienne, Espagne wisigothique, Lombardie », il a fallu créer un instrument de communication qui permet de relier grandes étendues territoriales. Ce ne sera pas, pour le moment, le rôle du latin, puisque celui-ci devra atteindre sa renaissance quelques siècles plus tard. Par contre, quelques textes en langues romanes voient la lumière : c’est le cas des textes étudiés par Zumthor. Les Serments de Strasbourg et la Formule de Soissons sont, en plus, générateurs de droit public, mais tous peuvent être considérés des monuments (p. 13). De cette manière, non seulement la langue romane se différencie définitivement, sinon qu’elle est identifiée au droit coutumier royal, par opposition au latin (p. 14).

Andrea del Castagno, Dante Alighieri, dans le Ciclo degli uomini e donne illustri de la Galeria degli Uffizi, à Florence

Andrea del Castagno, Dante Alighieri, dans le Ciclo degli uomini e donne illustri de la Galeria degli Uffizi, à Florence

Dans ce point, Zumthor fait un parallèle curieux et intéressante avec Dante. Il affirme que dans les chapitres VI à X du De vulgari eloquentia, Dante propose un analyse proche à celui qu’il propose. D’après Dante, les langues romanes (langues d’oïl, d’oc, de si, de jo), se caractérisent pour avoir été insérées plus tardivement dans l’histoire et de subir un processus de dispersion géographique. Par contre, le latin, que Dante désigne par le nom de grammatica, est un référent immuable, artificiel, universel (p. 15).

De cette façon, en suivant l’analyse de Dante, l’homme est contraint à un double bilinguisme : un bilinguisme horizontal, d’abord, qui est celui constitué par l’existence des langues romanes et qui oppose la langue d’oc, à celle d’oïl etc. ; et un bilinguisme vertical, qui oppose toutes ces langues à la grammatica. Le bilinguisme horizontal permettrait, dans un premier moment, la communication, tandis que le bilinguisme vertical permettrait une prise de conscience historique, puisque le fin recherché est celui de la pérennité :

Vouée à l’expression de ce que l’homme valorise, à quoi il imprime le sceau de l’éternité – le beau de la poésie, le vrai de la philosophie, le bien des normes juridiques -, la grammatica est conçue comme immuable (p. 16).

Ainsi, la différence entre un document et un monument réside dans la « verticalité » ou élévation acquise par l’expression linguistique en question. Ce qui fait Zumthor c’est de pousser le modèle de Dante. Il n’y a seulement de différence entre langues romanes et langue latine : il y a aussi des monuments de langue romane et des documents de langue latine. Mais il conserve l’observation à propos de la différence à partir de la verticalité (p. 17).

Et quel est le rapport avec ma recherche autour de la preuve ? Peut-être que je fais des contorsions de cirque par ici, mais je trouve quelques rapports. J’avais dit qu’il me semblait intéressant de constater que dans certains tribunaux, surtout des tribunaux de common law, les juges acceptent comme preuves des objets considérés plutôt comme des monuments, surtout dans un sens anthropologique. Ainsi, aux EUA et en Australie, des témoignages orales, des chartes rituelles et même des systèmes de croyances sont prises en compte par les juges. L’observation faite par Zumthor sur ce que la grammatica est vouée à exprimer « le beau de la poésie, le vrai de la philosophie, le bien des normes juridiques » m’est particulièrement sensible.

Andrea di Bonaiuto, Les Arts libéraux, dans le Cappellone degli spagnoli, Firenze

Andrea di Bonaiuto, Les Arts libéraux, détail du Triomphe de Saint Thomas d’Aquin, dans le Cappellone degli spagnoli, Firenze. La Grammatica est la première de droite à gauche

Je vois là un phénomène semblable à celui vécu par les royaumes héritiers de l’Empire Romain. Du moment qu’il a fallu mettre en communication deux systèmes juridiques étrangères, il a fallu chercher élever le discours à l’aide d’une grammatica. On pourrait parler, à cette époque là, du droit naturel, qui serait à la base du système. Mais le droit naturel ne marcherait que dans une communauté de croyances, à savoir, chrétiennes. Ce système ne peut pas marcher, par exemple, avec les indigènes de l’Amérique du Nord ou les aborigènes de l’Australie. Par contre, cette grammatica serait constituée par les sciences sociales dans la mesure qu’elles permettent une ouverture à des réalités et systèmes différentes.

Ce n’était pas le cas, par exemple, avec le système anthropologique de Clifford-Brown adopté par les juges en Australie, qui renferme la description et la qualification de société à un schéma auquel quelques groupes aborigènes ne peuvent pas rentrer. Peut-être une attitude responsable, comme celle proposée à partir des travaux de Malinowski, pourraient donner une réponse, même si temporaire.

Avant l’affiche

Weill, Alain. « La préhistoire de l’affiche », in L’Affiche dans le monde. Nouvelle édition revue et augmentée. Paris: Aimery Somogy, 1991, p. 8-15

Ceci est une de mes lectures sur l’histoire de l’affiche. J’avais déjà écrit quelque chose par ici. Dans ce livre, Alain Weill nous donne un aperçu historique de l’affiche, de ses premiers artistes, des techniques artistiques qui ont permis son évolution et, surtout, une importante iconographie qui est une des richesses de ce livre. L’exposé est chronologique : il commence par ce qu’il appelle la « préhistoire », et parcourt tout le XIXe et le XXe siècles, jusqu’aux jours proches à la publication du livre.

L’affiche est un produit de la publicité. Alain Weill rattache l’origine de l’affiche et de la publicité au besoin de connaître les règles de vie en société à l’ensemble des individus (p. 9). Il mentionne des exemples depuis l’Antiquité où, plutôt que des affiches, on trouve des « notices publiques ». Le Code d’Hammurabi serait une forme d’affichage public. Au Temple de Jérusalem existait une inscription en grec, interdisant les étrangères d’y entrer ; un papyrus trouvé en Alexandrie offrait une récompense pour retrouver deux esclaves en fuite.

Mais c’est en Grèce et à Rome où les notices publiques ont une place définie. Les « axones », panneaux pivotants, affichaient la ‘publicité officielle’ en Athènes. Dans l’Empire Romain, certains bâtiments comptaient avec des murs blanchis à la chaux, où étaient affichés les annonces légaux (p. 9). Des affiches de théâtre ont été trouvés à Pompéi. Dans ces affiches on trouve le nom de l’actrice principale et le nom de la pièce (p. 10).

Plus tard, Charlemagne reprend la publicité officielle à la Romaine. Le chancelier est chargé du registre des notices sur des rouleaux qui étaient expédiés au comtes. Les comtes devaient les « répercuter » par leur compte, c’est-à-dire, les faire connaître dans leur domaine (p. 10). Le criage de notices devient un vrai négoce.

Couverture du livre de Walter von Zur Westen, Reklamekunst aus Zwei Jahrtausenden, Berlin, Eigenbrödler, 1925

Couverture du livre de Walter von Zur Westen, Reklamekunst aus Zwei Jahrtausenden, Berlin, Eigenbrödler, 1925

L’invention de l’imprimerie a permis une première diffusion de l’affiche. C’est justement de cette période que la majorité d’affiches anciennes nous est parvenue. Ces affiches sont liées aux activités de libraires. Walter von zur Westen a répertorié des affiches rhénanes, qui se trouvent parmi les plus anciennes, comme celle de Johannes Mentel, imprimée vers 1469 (p. 11). En Angleterre, William Caxton est peut-être l’imprimeur le plus ancien. En 1477 il avait édité et imprimé les Pyes de Salisbury, règles diocésaines qui étaient affichées avec l’inscription « Supplico stet cedula« , c’est-à-dire, « ne pas arracher s’il vous plait » (p. 11). En 1491, l’imprimeur Geraert Leeu, d’Anvers, imprime la première image sur une affiche, pour annoncer la légende de Mélusine (p. 11).

Caxton, Pyes de Salisbury

William Caxton, Pyes de Salisbury. Remarquer la légende en bas : « Supplico stet cedula »

En France, la monarchie a voulu contrôler l’affichage. François I, par un édit du 13 novembre 1539, défend d’ôter les affiches des lois (p. 12). Les guerres de religion, provoquent l’instauration des limitations très virulentes. Un arrêt du Conseil d’état du 13 septembre 1722, organise l’affichage public. Entre autres, les colleurs d’affiches devaient savoir lire et écrire, devaient être présentés par les syndics des libraires et des libraires au lieutenant de police et leur nombre n’était plus de quarante dans la ville. Les colleurs devaient vérifier que chaque affiche qui leur était remise portait l’autorisation du lieutenant et devaient remettre un exemplaire à la chambre des libraires et des imprimeurs (p. 14)

Mercier, dans son Tableau de Paris, avec son humeur caustique, décrit ainsi les affichistes autorisés :

Ils sont quarante, dit-il, ainsi qu’à l’Académie française, et pour une plus grande similitude, aucun afficheur ne peut être reçu s’il ne sait lire et écrire. On dispense l’afficheur de tout autre talent, ainsi qu’il arrive dans l’illustre compagnie. Ils ont à la boutonnière une plaque de cuivre ; ils portent une petite échelle, un tablier, un pot à colle et une brosse. Ils affichent, mais ils ne s’affichent point. Les quarante immortels n’ont pas toujours cette sage modestie.

Un afficheur est l’emblème de l’indifférence. Il affiche d’un visage égal le profane, le sacré, le juridique, l’arrêt de mort, le chien perdu ; il ne lit jamais, de ce qu’il plaque contre les murailles, que la permission du magistrat. Dès qu’il voit ce visa, il afficherait sa propre sentence.

Tel qui a affiché la Comédie et l’Opéra n’y a jamais mis les pieds. Quand ils ont mis la lettre du côte de la rue et qu’elle est bien droite, ils la contemplent d’un air de satisfaction et s’en vont.

Il leur est défendu de mettre aux portes et sur les murs des églises et monastères des affiches de comédie, romans et livres profanes ; mais le titre en est quelquefois équivoque, et les colonnes des temples sont tolérantes elles reçoivent paisiblement ce que l’afficheur leur applique.

La transposition

Marot, Pierre. « À propos d’un tableau du Musée historique lorrain. Recherches sur les origines de la transposition de la peinture en France ». Annales de l’Est no 4 (1950): 241-283.

Ceci un de ces articles dont la localisation est peut-être plus éprouvante que la lecture. Après l’avoir croisé deux ou trois fois lors de mes lectures, je me suis décidé de le chercher. Et bon, cela m’a pris presque une semaine avant que je puisse avoir le microfilm – l’original étant trop endommagé -, et le lire avec toute la difficulté qu’impose un projecteur au milieu d’une salle complètement éclairée. Mais suffit de râler.

Andrea del Sarto, La Charité

Andrea del Sarto, La Charité

Un des sujets plus sensibles dans le monde de l’art, et surtout celui du mécénat, est la restauration. Depuis très longtemps les artistes ont essayé différentes techniques permettant de conserver le plus longtemps possible les tableaux, les sculptures, etc. Une des techniques répandues pendant le XVIIIe siècle est celle de la transposition. On ne sait pas qui, quand et où s’est fait la première transposition en France. La transposition consiste, grosso modo, en la séparation de la couche de peinture de son support original, pour la fixer dans un nouveau support. Une des premières transpositions en France a été, sans doute, celle effectuée par le peintre Léopold Roxin, au service du roi de Pologne Stanislas (p. 242). Je ne vais pas vous faire la biographie de Robert Picault (qui se trouve de la page 247 à la 254), considéré le meilleur restaurateur utilisant cette technique pendant quelque temps. Il a probablement appris la technique du peintre italien Riario ou du bruxellois F. Dumesnil. Il suffira pour mon propos savoir ça, qu’il était très respecté, que Le Mercure de France mentionne son travail dans le numéro de juillet 1746 et qu’il se faisait payer très très cher. Il était tellement respecté, que l’Encyclopédie le mentionne : au tome XII, p. 277, le chevalier de Jaucourt écrit :

Un moderne, le sieur Picault, a trouvé le secret de transporter sur une nouvelle toile les ouvrages de peinture qui dépérissaient sur une vieille toile ou sur bois. Les preuves qu’a données cet homme industrieux de cette découverte ne permettent pas de douter du fait.

Antoine Coypel, Le Printemps, un des tableaux transposés au château de Marly

Antoine Coypel, Le Printemps, un des tableaux transposés au château de Marly

Une de ses premières transpositions était les Quatre Saisons par Coypel, qui se trouvaient dans le plafond du château de Choisy, et qui l’a pris les six derniers mois de 1744 et les cinq premiers de 1745, pour un prix de 3,772 livres (p. 248). En 1747 il obtient l’approbation de ses travaux par l’Académie royale d’architecture (p. 248). Cette approbation pousse au directeur de Bâtiments, Tournehem, à l’examiner lui aussi. Pour cela, il le charge avec la transposition d’un des tableaux favoris du roi : la Sainte Famille par Andrea del Sarto (p. 249). Ce travail lui valurent une pension, un logement à la Surintendance de Versailles et un brevet. Mais c’est surtout celle du Saint Michel par Raphaël que le confirme comme le meilleur restaurateur à son époque. Pour son malheur, vers 1750, la technique de la transposition est déjà très divulguée. Une autre restauratrice commence à se frayer un chemin : la veuve Godefroi. Née Marie Jacob Vanmerlen, elle s’est mariée en 1726 à Ferdinand-Joseph Godefroi, de qui elle apprend la technique. En 1752, la elle présente plusieurs peintures transposées, appartenant au comte de Caylus et à Crozat baron de Thiers. En 1753, le directeur des Bâtiments lui confie la transposition d’un Portrait d’homme de Holbein, tâche dont elle s’acquitte sans problèmes (p. 255-264). Or la veuve Godefroi, charge bien moins que lui, presque un dixième du prix. Petit à petit, Picault est abandonné par la Couronne. Quoique il continue à recevoir sa pension, il ne reçoit plus de commandes. Pire, un autre restaurateur, Hacquin, doit intervenir en 1770 sur le tableau de la Sainte Famille. La restauration a continué à être un sujet très sensible au cours de la Révolution. Le fils de Robert, Jean-Michel, s’est rangé parmi les créatures de David et a joué un rôle d’une certaine importance dans les attaques contre la Commission des Monuments et contre la Commission du Muséum. Il a finalement intégré la Commission temporaire des arts et le Musée du Louvre où, ironie, il a travaillé à côté de Hacquin qui, cette fois, est devenu très célèbre grâce à son travail dans les collections enlevés en Europe par les armées napoléoniennes.

Un mot

Hacquin, Jean-Louis. Un Mot au Citoyen Picault, ſur son Mémoire relatif à la reſtauration des Tableaux du Muſéum. s.l.: s.n., s.d.

Ce petit pamphlet de quelques pages est une réponse aux divers critiques contre la Commission des monuments publiées par un autre restaurateur, Jean-Michel Picault. Picault, en suivant la stratégie de David et de Lebrun, avait formulé  des accusations contre la Commission signalant des mauvaises restaurations. Parmi les restaurateurs ciblés se trouvait Hacquin, l’auteur du pamphlet-ci.

Le document est très court et donne parfois des informations trop techniques, que  résultent difficiles à interpréter en dehors du texte. Cependant, on y apprend que certaines restaurations reprochées par Lebrun n’ont pas été faits par les restaurateurs de la commission, mais par Lebrun ou Picault lui-même.

Dans Inventing the Louvre (p. 106), Andrew McClellan signale le caractère politique de ces accusations. Il s’agissait d’une stratégie de Picault, créature de Lebrun, à son tour partisan de David. Et cela reste évident puisque les restaurateurs employés par la Commission des monuments on gardé leurs postes au service du Louvre tout au long du Directoire et jusqu’au Premier Empire.

Hacquin avait été employé pour les Bâtiments du Roi depuis 1766, à l’époque où Marigny était le Directeur. Il avait offert ses services pour retirer une peinture de Vouet du château de Vincennes (A. McClellan, The Politics and Aesthetics of Display, p. 447)

La Grande Galerie, vers 1795, Hubert Robert, (Paris, musée du Louvre).

Le comte d’Angiviller, directeur des bâtiments sous le règne de Louis XVI, ouvre la profession de restaurateur. Il ordonne que les restaurateurs employés pour la couronne fassent connaître leurs techniques. Robert Picault, le père de Jean-Michel, refuse, ce que Hacquin et d’autres restaurateurs comme Mme. Godefroi et Hacquin lui même ne font pas. Quoique la pension de Picault n’a pas été annulée, ses services ne sont plus requis, ou rarement, et dans les faits il est substitué par d’autres restaurateurs. En plus, le comte d’Angiviller ordonne l’élimination des pensions des restaurateurs du Louvre.

Encore plus tard, le fils de Hacquin, François-Toussaint, devient « le rentoileur officiel qui traita une grande partie des tableaux de l’Europe rassemblés à Paris entre 1794 et 1815 » (Emile-Mâle, p. 228). Il est devenu très connu en Europe après les restaurations qu’il a fait sur les oeuvres amenés au Louvre par les armées napoléoniennes.

Bibliographie sur le sujet :

  • Émile-Mâle, Gilberte. « La première transposition au Louvre en 1750?: La Charité d’Andrea del Sarto ». La Revue du Louvre no 3 (1982): 223-229.
  • Marot, Pierre. « À propos d’un tableau du Musée historique lorrain. Recherches sur les origines de la transposition de la peinture en France ». Annales de l’Est no 4 (1950): 241-283.
  • McClellan, Andrew. « The Politics and Aesthetics of Display: Museums in Paris 1750-1800 ». Art History 7, no 4 (décembre 1984): 438-464.
  • McClellan, Andrew. Inventing the Louvre. Art, Politics, and the Origin of the Modern Museum in Eighteenth-Century Paris. Berkeley et Los Angeles: University of California Press, 1994.

L’intérêt de son argent

Bailey, Colin B. « Conventions of the Eighteenth-Century Cabinet de tableaux: Blondel d’Azincourt’s La première idée de la curiosité ». The Art Bulletin LXIX, no 3 (1987): 431‑447.

Suite à la découverte d’un manuscrit par Berthelemy Augustin Blondel d’Azincourt (1719-1794), intitulé « La première idée de la curiosité, où l’on trouve l’arrangement, la composition d’un cabinet, les noms des meilleurs peintres flamands, et leur genre de travail » Colin B. Bailey a publié un étude et un fragment de ce manuscrit. 

Le manuscrit de Blondel d’Azincourt est un document très intéressant qui nous permet de nous faire une idée sur l’état de la discussion sur l’arrangement des collections dans les cabinets de tableaux, très répandus à l’époque.

 Le manuscrit original se trouve dans les collections de manuscrits de l’Institut nationale d’histoire de l’art (INHA). Il y est décrite l’organisation de ces habitations arrangées de façon à créer des grands effets. Pour cela, ils saturaient les murs, se servaient de la symétrie à travers de pendants, et privilégiaient le balance des tableaux, en accrochant par exemple, les tableaux plus obscurs ensemble. Il fallait, donc, remplir les murs avec des tableaux dont leur coloris permettait un accord. On est là aux antipodes de la muséographie actuelle, qui est commencée à se développer au tournant du XIXe siècle : la délectation pour l’objet individuel ou l’appréciation du développement stylistique y est absent (p. 432). Il s’agit de montrer la magnificence du propriétaire (p. 433).
Louis-Jacques du Rameau, Catalogue des tableaux du cabinet du Roi placés dans l'Hôtel de la Sur-Intendance à Versailles, 1784

Louis-Jacques du Rameau, Catalogue des tableaux du cabinet du Roi placés dans l’Hôtel de la Sur-Intendance à Versailles, 1784. Source : INHA

Bailey note les transformations qu’avaient subis les cabinets tout au long de leur histoire : si au XVIe siècle il s’agissait de, littérelement, un placard, au XVIIe siècle ils sont déjà des habitations amples qui permettent des réunions et montrer les collections de curiosités des amateurs (p. 431). Il est amusant de noter, comment l’ont fait Watelet et Levesque, la contradiction entre la signification du terme originel qui fait référence à la discrétion, et l’usage pratique du moment que, en fait, ne permet d’aucune manière de tenir réunions discrètes (p. 431).

Au XVIIIe siècle, le cabinet s’est déjà imposé comme « l’espace de prédilection » pour exhiber les collections et peut être constitué de plusieurs pièces. Que le cabinet puisse servir à des petites réceptions permet les échanges. Déjà Blondel suggère de ne pas s’abandonner au propre jugement, et de se servir de l’expérience d’autres collectionneurs, comme son père s’atait servi d’Edmé Gersaint, ou le Prince de Conti du graviste Boileau, et encore le banquier Nicolas Beaujon des conseils du peintre Pierre Rémy pour acquérir des tableaux (p. 436).

Anonyme, Cabinet de curiosités, XVIIe siècle. Source : Cabinets de curiosités

Anonyme, Cabinet de curiosités, XVIIe siècle. Source : Cabinets de curiosités

Un collectionneur pouvait être qualifié de « curieux » s’il était intéressé à plusieurs sujets. La curiosité provoquait, d’après lui, deux sortes de plaisir : celui provoqué par la visite d’une collection et celui de former la sienne (p. 436). Six ans plus tard, la curiosité sera définie par l’Encyclopédie (t. 4 pp. 577-578).

Blondel, qui était architecte, réservait la décoration chargée aux habitations destinées à exhiber les collections. Le reste de la maison devait garder une certaine sobriété, propre au rang du propriétaire et éviter de rassembler de trop nombreuses oeuvres d’art en dehors du cabinet, afin d’éviter que cela puisse rassembler un atelier d’un commerçant d’art. L’attitude de Blondel est propre à celle de l’époque, quand on commence à penser à des nouvelles organisations.

Ainsi, par exemple, l’architecte Le Camus de Mezières considère très important de respecter les sujets des peintures et de les concentrer dans le même espace (Le génie de l’architecture ou l’analogue de cet art avec nos sensations, Paris, 1780, p. 113, 158). Mais depuis longtemps, d’autres manières de classer les tableaux avaient été proposées. Depuis 1708, Roger de Piles avait conçu un système pour évaluer toutes les aptitudes des peintres. Un peu plus tard, Louis Petit de Bachaumont, conseiller du roi de Prusse Frédéric le Grande, le conseille d’organiser sa collection d’après les trois écoles de peinture : l’Italienne, la Flamande et la Française (p. 443). Plus tard, Chrétien de Mechel, garde de la galerie impériale de Vienne, ajoutera le critère chronologique (voir : Catalogue des tableaux de la galerie impériale et royale de Vienne, Bâle, 1784)

Mais au fond, ce qui intéresse est de montrer : « En général un curieux doit être enchanté de montrer à tout le monde les trésors qu’il possède. L’on appelle cela l’intérêt de son argent » (p. 446). Cette phrase est très significative. Elle montre la conscience du double valeur des collections, économique et artistique. Nous savons que les collectionneurs sont prêts à vendre ses collections en cas de besoin, mais elles sont, en première place, une des manières de montrer leur bon goût, leur pouvoir, leur splendeur.

Et encore, la valeur principale des cabinets est, peut-être, pédagogique. Avant l’ouverture du musée moderne, ils sont le principal ressource pour les artistes et les amateurs. Là, ils peuvent admirer, comparer et jouir des oeuvres d’art.

Une sélection bibliographique, par ici :

  • CONISBEE, P., Painting in Eighteenth-Century France, Oxford, 1981
  • COURAJOUD, L., Livre journal de Lazare Duvaux, Marchand Bijoutier ordinaire du Roi, 1748-1758, 2 vols., Paris, 1873
  • COURAJOUD, L., L’Ecole des élèves protégés, Paris, 1874
  • ETLIN, R.A., « ‘Les Dedans’. Jacques François Blondel and the System of the Home », Gazette des beaux-arts, XCI, 1978, pp. 137-147
  • GALLET, M., Demeures parisiens, Paris, 1964
  • GUIFFREY, J.J., « Lettres et documents sur l’acquisition des tableaux de Lesueur pour la collection du Roi », Nouvelles archives de l’art français, 1877, pp. 319-22 (sur l’acquisition du Cabinet d’Amour pour la Maison du Roi)
  • LAUGIER, Abbé M.A., Essai sur l’architecturei, Paris, 1755
  • McCLELLAN, A.L., « The Politics and Aesthetics of Display: Museums in Paris, 1750-1800 », Art History, VII, 1984, 438-464
  • MICHEL, Roland, « Eighteenth-Century Decorative Painting: Some False Assumptions, » The British Journal for Eighteenth Century Studie, II, 1979, pp. 1-36
  • THORNTON, P., Seventeenth-Century Interior Decoration in England, France, and Holland, New Haven and London, 1978
  • VERLET, P., La maison du dix-huitième siècle en France, Paris
  • WATSON, F.J.B., The Choiseul Box: A Microcosm of Eighteenth-Century French Taste, The Charlton Lecture, Londres, 1963

Sources :

  • BLONDEL D’AZINCOURT, B.A., « La première idée de la curiosité, où l’on trouve l’arrangement, la composition d’un cabinet, les noms des meilleurs peintres flamands, et leur genre de travail », Institut d’Art et d’Archéologie, Université de Paris IV, MS 34, aujourd’hui à la bibliothèque de l’INHA.
  • BLONDEL D’AZINCOURT, J.F., Architecture françoise ou recueil des plans, élévations, coupes et profils des églises, maisons royales, palais, hôtels et édifices les plus considérables de Paris, 4 vols., Paris, 1752-1756
  • BLONDEL D’AZINCOURT, J.F., Cours d’architecture, ou traité de la décoration, distribution et construction des bâtiments, contenant les leçons données en 1750 et les années suivantes par J.F. Blondel, 6 vols., Paris, 1771-1777
  • CAMUS DE MEZIÈRES, N. Le, Le génie de l’architecture ou l’analogue de cet art avec nos sensations, Paris, 1780

Le juge anthropologue

Dousset, Laurent, et Katie Glaskin. « L’anthropologie au tribunal. Les revendications foncières des Aborigènes en Australie ». Genèses no 74 (2009): 74‑93. doi:10.3917/gen.074.0074.

Des enfants Pintjantjatara. Source : Yalata Aboriginal Community

Des enfants Pintjantjatara. Source : Yalata Aboriginal Community

Cette lecture corresponde à ma recherche autour de la preuve. C’est une des lectures les plus intéressantes que j’ai fait dernièrement, mais aussi une des plus difficiles. C’est un sujet qui me attire depuis quelque temps, de réfléchir sur la possibilité des correspondances entre deux systèmes juridiques.

Dans cet article, Laurent Dousset et Katie Glaskin présentent un étude de cas, celui du peuple Pintjantjatara, connu comme Yulara Case. Au long de l’article, ils exposent des considérations générales afin que le lecteur puisse suivre l’exposé, ce que j’ai vraiment remercié. Ici, il s’agit de l’Australie, un tout autre monde et deux autres systèmes juridiques. Il se trouve que, comme dans plusieurs lieux de la planète, des communautés indigènes doivent faire des revendications foncières pour des terres que appartenaient jadis à leurs ancêtres. Mais le principale obstacle auquel ils doivent faire face consiste en apporter des preuves propres a un système juridique qui leur est étrange.

Les Pitjantjatjara sont un des quarante groupes dialectales qui habitent dans la région du Désert de l’Ouest en Australie, région qui couvre quelques 600,000 kms². Leur système social posait plusieurs problèmes aux anthropologues, qui les définissaient ‘en termes d’absence’ : « absence de catégories sociales, absence de clans, absence de groupes locaux ». Les tentatives de description de ce peuple, au debut du XX siècle, n’ont pas été approfondies et sont restés très superficielles. Tel est le cas des travaux de Adolphus P. Elkin (p. 85).

Plan qui montre en bleu le territoire occupé par les Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara, dans le Sud de l'Australie. Source : Wikipédia

Plan qui montre en bleu le territoire occupé par les Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara, dans le Sud de l’Australie. Source : Wikipédia

Les administrateurs des colonies australiennes ont ont fait recours à des anthropologues depuis très tôt. Cela a conféré aux anthropologues un rôle très important dans les procès de revendication des terres. Leur participation est tellement importante que, du coup, certaines théories ont influencé la rédaction d’instruments légaux, tels l’Aborigines Protection Society Act de 1838 (p. 75, 78), et les juges arrivent à donner des décisions « en des termes quasi anthropologiques » (p. 78). Par exemple dans le cas Gove land rights, quoique le juge n’a pas donné raison à la tribu Yolngu, il a reconnu « l’existence d’un système de droit coutumier » (p. 80) et, à partir de ce cas, l’Aboriginal Land Right Act, de 1976 a été rédigée, applicable dans le Territoire du Nord. Le cas Mabo contre l’Etat du Queensland, ventilé dans la Cour Fédérale, a permit l’élaboration de la Native Title Act de 1993, applicable dans tout le territoire australien.

Or, deux approches anthropologiques se sont différenciés dans le pays : d’un côté, un premier approche appelé « naturaliste », représenté par les théories de l’anthropologue Alfred R. Radcliffe-Brown. Pour lui, le but du scientifique consiste en rester « objectif ». L’anthropologue doit être « capable de produire des modèles durables et extrapolables. L’expert ne devait occuper qu’une fonction scientifique et ne pas s’inquiéter des conséquences sociales que son expertise pouvait provoquer ». L’anthropologue est, donc, immobile et, par là, il a pas de jugement moral ni sur la justice ou l’injustice du procès. Cela vaudra à cet approche d’être considérés par ses critiques « au service du colonialisme ».

Portrait d'Alfred R. Radcliffe-Brown. Source : NNDB

Portrait d’Alfred R. Radcliffe-Brown. Source : NNDB

Un autre approche, appuyé sur les travaux de Bronislaw Malinowski, Edward E. Evans-Pritchard ou Alfred L. Kroeber, ne croient pas à un approche objectif. Pour eux, l’anthropologue est « intimement imbriquée dans des processus politiques », car l’expert ne se limite à la production de savoir (p. 78). L’expert doit prendre conscience des conséquences de ses découvertes et s’engager dans le sens le plus juste. Il est, dans ce sens, critique vis-à-vis non seulement de la connaissance qu’il produit ou qu’il expose, mais aussi des positions politiques, juridiques et sociales qu’elles en provoquent.

Dans les procès pour revendication foncière devant les tribunaux australiens, les parties opposées sont l’Etat et les peuples aborigènes. Ces derniers sont représentés par des organismes appelés Representative Bodies. Les Representative Bodies engagent des anthropologues qui rédigeront un document appelé Connection Repport. Une fois rédigé, le rapport est soumis à la partie adverse, c’est-à-dire, l’Etat.

Le Connection Repport est, selon les mots de Dousset et Glaskin, « une véritable monographie ethnologique » (p. 76). Cela se doit à son but, puisqu’il est supposé « montrer par le recueil de données sur le terrain, par l’analyse d’archives lorsqu’elles existent et par la juxtaposition de ces données avec la littérature anthropologique, que la relation du groupe demandeur à l’étendue foncière revendiquée n’a ni été interrompue, ni substantiellement modifiée, depuis la colonisation. » (p. 76). Dans d’autres mots, par le Connection Repport, ils doivent déterminer l’existence ou l’inexistence d’une « continuité culturelle » qui conduit à prouver la possession et la propriété de la terre par un groupe aborigène (p. 74).

Pour démontrer cette continuité culturelle, les anthropologues doivent démontrer trois points essentiels :

  • que le groupe aborigène est descendant direct du groupe qui résidait et possédait le territoire revendiqué, selon la loi coutumière, au moment de l’arrivée des britanniques au XVIIIe siècle. Ce fait peut être démonté à travers le modèle de la descendance unilinéaire, d’après Radcliffe-Brown.
  • que les lois et coutumes du groupe sont toujours en vigueur et sont celles qui organisent leur vie en collectivité.
  • le groupe doit démontrer qu’il est une société d’après le cas Yorta Yorta.
Charte de l'Australie montrant, en brun, les territoires objet d'un "Indigenous Land Use Agreement"

Charte de l’Australie montrant, en brun, les territoires objet d’un « Indigenous Land Use Agreement ». Source : Creative Spirits

Pour sa part, l’Etat embauche aussi des experts en anthropologie. Une fois qu’ils reçoivent le Connection Repport, deux choses peuvent avoir lieu. Si ils considèrent que le rapport est inataquable, ils renvoient le cas au National Native Title Tribunal afin de composer un accord pour la restitution de terres. Dans le cas qu’ils considèrent que le rapport « n’est pas recevable », ils renvoient l’affaire à la Cour Fédérale pour commencer un vrai litige (p. 76-77). La Cour Fédérale saisie, d’autres acteurs peuvent être appelés à témoigner ou à plaider

Comme on peut le prévoir, l’expert acquiert une importance par rapport à l’objectivité et la neutralité de son témoignage (p. 77). Pour la Cour Fédérale, les expert anthropologues ont « la tâche d’assister la Cours dans le domaine qui concerne son expertise », il « n’est pas l’avocat d’une des parties impliquées » et son devoir « est envers la Cour, et non envers la personne engageant l’expert ».

Pour ce qui concerne le cas en question, il a soulevé deux questions principales : l’application de la notion de société, d’après la jurisprudence australienne et l’application de modèles anthropologiques formulés par Radcliffe-Brown. Le juge a conclu sur la discontinuité culturelle du peuple Pintjantjantara et, en conséquence, il a rejeté ses réclamations (p. 83-85). Le problème, d’après les spécialistes, est que le juge a adopté le modèle jusques là dominant, celui de Radcliffe-Brown et de Lévi-Strauss, qui donne la priorité à l’ancienneté des preuves. Cependant, c’est modèle n’est pas compatible avec celui des Pintjantjantara (p. 87-88) puisque ni la propriété ni la continuité historique se développent de la même manière. Les Pintjantjantara ont trouvé un accord avec le gouvernement australien. Je ne suis pas en mesure s’il est avantageux ou pas et pour qui.

Le travail de Dousset et Glaskin me permet de réfléchir au besoin de connecter deux systèmes juridiques jusques là séparés. On avait évoqué la question lors du résumé de l’article d’Isabelle Grangaud, « Prouver par l’écriture ». Le cas du système juridique australien me parait, cependant, assez particulier à propos de la participation des experts anthropologues et de la connaissance que les juges acquièrent. Et aussi, la responsabilité des scientifiques, évoqué par l’opposition de modèles. Bien que les avocats et les anthropologues qui représentaient le peuple Pintjantjantara n’ont pas réussi à avoir la raison, la stratégie, à long terme, permettra de continuer l’ancien modèle.

Et voici une sélection de la bibliographie citée dans l’article :

  • BURKE, Paul, « Law’s Anthropology: from Ehtnography to Expert Testimony in Three Native Title Claims », PhD, Canberra, The Australian National University, 2005
  • BURKE, Paul, « The Problem when Flexibility is the System », Anthropological Forum, 2007, vol. 3, n° 1, pp. 79-82
  • DOUSSET, Laurent, « On the Misinterpretation of the Aluridja Kinship Systme Type (Australian Western Desert) », Social Anthropology, 2003, vol. 11, n° 1, pp. 43-61
  • EDMOND, Gary et David MERCER, « Anti-social Epistemologies », Social Studies of Science, 2006, vol. 36, n° 6, pp. 843-853
  • EVANS-PRITCHARD, Edward E. « Social Anthropology, Past and Present. The 1950 Marett Lecture », Man, 1950, vol. 50, pp. 118-124
  • GLASKIN, Katie, « Native Title and the ‘Bundle of Rights’ Model. Implications for the Recognition of Aboriginal Relations to Country », Anthropological Forum, 2003, vol. 13, n° 1, pp. 67-88
  • GLASKIN, Katie, « An Anthropological Perspective on Writing for the Court », Land, Rights, Laws/ Issues of Native Title, 2004, vol. 2, n° 29, pp. 1-12
  • GLASKIN, Katie, « Manifesting the Latent in Native Title Litigation », Anthropological Forum, 2007, vol. 17, n° 2, pp. 165-168
  • GUMBERT, Marc, Neither Justice nor Reason. A Legal and Anthropological Analysis of Aboriginal Land Rights, Santa Lucia, University of Queensland Press, 1984
  • HIATT, Lester R., « Local organization among the Australian Aborigines », Oceania, 1962, vol. 32, n° 4, pp. 267-286
  • HIATT, Lester R., « Ownership and Use of Land among the Australian Aborigines », in Richard B. LEE et Irwen DE VORE (éds.), Man the Hunter, Chicago, Aldine, 1968, pp. 99-102
  • KEEN, Ian, « The Western Desert vs the Rest: Rethinking the Contrast », in Francesca MERLAN, John MORTON et Alan RUMSEY (éds.), Scholar and Sceptic: Australian Aboriginal Studies in Honour of LR Hiatt, Canberra, Aboriginal Studies Press, 1997, pp. 65-93
  • LEVI-STRAUSS, Claude, Les strustures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, 1967 [1947]
  • MADDOCK, Kenneth, « Aboriginal Land Rights Traditionally and in Legislation: A Case Study », in Michael HOWARD (éd.), Aboriginal power in Australian society, St. Lucia, University of Queensland Press, 1982
  • MALINOWSKI, Bronislaw, « Practical Anthropology », Africa, 1929, vol. 2, n° 1, pp. 22-38
  • McCALL, Daniel F., « Radcliffe-Brown vs Historical Ehtnology: The Consequences of an Anthropological Dispute for the Study of Africa’s Past », The International Journal of African Historical Studies, 1980, vol. 13, n° 1, pp. 95-102
  • MYERS, Fred R., « Always Ask: Resource Use and Land Ownership among Pintupi Aborigines of the Australian Desert », in William H. EDWARDS (éd.), Traditional Aboriginal Society, Melbourne, Macmillan, 1990, pp. 96-112
  • PETERSON, Nicolas, « ‘I can’t follow you on this horde-clan business at all’: Donald Thomson, Radcliffe-Brown and a Final Note on the Horde », Oceania, vol. 76, n° 1, pp. 16-26
  • RADCLIFFE-BROWN, Alfred R., « Historical and Functional Interpretations of Culture in Relation to the Practical Application of Anthropology to the Control of Native Peoples », 4th Pan-Pacific Sciences Congress, 1929, vol. 3, pp. 537-538 [?]
  • RADCLIFFE-BROWN, Alfred R., « On Australian Local Organization », American Anthorpologist, 1956, vol. 58, n° 2, pp. 363-367
  • SAMSOM, Basil, « Yulara and Future Expert Reports in Native Title Cases », Anthropological Forum, 2007, vol. 17, n° 2, pp. 71-92
  • SUTTON, Peter, « Norman Tindale and Native Title. his Appearance in the Yulara Case », The 2006 Norman B. Tindale Memorial Lecture, Adelaide, South Austramian Museum, 2006, http://www.ling.arts.kuleuven.be/fll/eldp/sutton/2006nbt.pdf
  • SUTTON, Peter et Petronelle VAARZON-MOREL, Yulara Anthropology Report, Alice Springs, Central Land Council, 2003
  • WEINER, James F. et Katie GLASKIN, « Introduction: the (re-)Invention of Indigenous Laws and Customs », The Asia Pacific Journal of Anthropology, 2006, vol. 7, n° 1, numéro spécial, J.F. WEINER et K. GLASKIN (éds.), « Custom: Indigenous Tradition and Law in the Twenty-First Century », pp. 1-13
  • WEINER, James F. et Katie GLASKIN, « Customary Land Tenure and Registration in Papua New Guinea and Australia: Anthropological Perspectives », in J.F. WEINER et K. GLASKIN (éds.), Customary Tenure and Registration in Paupa New Guinea and Australia: Anthropological Perspectives, Canberra, The Australian National University Press, 2007, pp. 1-14