Alain Le Quernec, « Que viva Mexico. Alejandro Magallanes. Oltre i cliché ». Progetto grafico, An 8, no 18 (septembre 2010): 72-77.
Alain Le Quernec rend compte du graphiste mexicain Alejandro Magallanes. Alain Le Quernec est actuellement un des plus importants graphistes français. Il a été un des introducteurs de ce qu’on peut appeler « l’école polonaise » du graphisme.
Dans un tout petit article publié par la revue italienne Progetto grafico, Le Quernec signale Alejandro Magallanes comme un des artistes illustrateurs le plus importants du Mexique, allant au delà des clichés sur le pays. C’est justement comme ça que Le Quernec commence sa petite page, car la vue du travail de Magallanes génère un malaise qui réside en reconnaitre son travail comme « typiquement » mexicain, au même temps qu’on veut sortir des préjugés ou des clichés sur l’image du Mexique.
Cet artiste est donc, au même temps, Mexicain et au-delà des idées reçues. Magallanes fait recours à des images très simples : « les plus communes, les plus pauvres », et utilise aussi des objets complètement anodins, intégrés à ses créations par la photographie. À cela s’ajoute la richesse créative, car les incursions de Magallanes ne sont pas restreintes à l’affiche, mais aussi aux livres pour enfants, à la sculpture et à la vidéo. Si, de nos jours, on observe une absence de signification dans les arts graphiques à cause de l’invasion de la typographie, Magallanes en fait recours tout en restant original, Magallanes a trouvé le balance entre les usages classiques du graphisme – les codes d’une communication classique, l’ironie, le double sens, la provocation, le jeux de mots – et les techniques modernes.Les exemples qui illustrent l’article rend compte d’un travail qui clairement s’éloigne du cliché mexicain. Magallanes pourrait être classé, sans aucun problème, parmi d’autres graphistes européens ou américains. Peut-être que Le Quernec est un peu trop jubilatoire sur le côté mexicain de l’œuvre de Magallanes ; mais, pour ceux qui connaissent la culture mexicaine, sa proximité avec les représentations de la mort, la scatologie, les doubles sens et les jeux de mots – ce qu’on appelle là-bas, le « albur » -, pourront s’en rendre facilement compte de son origine.
Il y a, cependant, un autre aspect, dont on peut s’apercevoir dans les illustrations du livre pour enfants Kikiriki (Nostra Ediciones, 2005) : un minimalisme surprenant, qui va tout à fait à l’opposé du baroquisme latino-américain auquel nous sommes habitués, comme un cliché. Des images sommaires, mais détaillées, oniriques et joyeuses, et avec beaucoup d’ironie. Même si ces images restent minimalistes, il me semble que leurs multiples niveaux de signification renvoient directement à ces autres images chargées et très élaborées qu’on trouve dans les marchés publics de la ville de Mexico, ou dans les portails des églises du centre du pays.
En effet : que penser de ce petit cliché d’une coquille, du sein de laquelle sort une fillette, plutôt l’image d’une fillette souriante, comme si elle jouait au cache-cache ? Le fonds bleu pourrait bien nous amener à songer à ces milliers de kilomètres de plages qui parcourent deux océans et forment trois mers, autant d’origines possibles pour la coquille. Et la fillette qui s’y cache, qui pourrait être n’importe laquelle, n’y trouverait-elle pas un vrais palais, à d’innombrables habitations dans les infinis replis qui donnent sa forme à son étrange demeure ?