Noël, les Trois Mages et Marco Polo

Vous auriez constaté que, dans mon cas, il est plus facile de parler que d’écrire. Malgré le peu d’activité dans mon blog, j’aime la lecture. J’adore la lecture. Le choix du titre n’est pas banal. Et surtout, en tant qu’étranger, j’aime parler la langue française. J’ai un peu plus du mal à l’écrit, mais je ressens quand même du plaisir.

Alors, tout ça pour vous dire que, même si je n’écris aussi souvent que je le souhaite, je lis, je lis beaucoup. Mais l’urgence de ma thèse m’empêchait de venir partager avec vous ce qui passe sous mes yeux. Or, ça fait deux semaines que j’ai fini ma thèse. À présent elle est déposée et j’attends avec impatience qu’on me fixe la date de soutenance. Je vous tiendrais au courant.

En principe, ce blog devra accueillir des lectures plus en rapport avec ma liberté retrouvée. Et les articles publiés sous la catégorie « Ma thèse sans fin… » devront être plus rares.

Ainsi, je voudrais tout relancer à partir d’un fragment que je viens de lire sur Il Milione, de Marco Polo, et très en rapport avec la saison, et que j‘avais précédemment publié sur mon autre blog, celui-ci en espagnol, Se destetó Teté, et que je traduis ici :

Abraham Cresques (attrib.). « Atlas de cartes marines, llamado [Atlas catalán] ». 6 hojas dobles de pergamino sobre placas de madero (recto y verso), 645 x 250 mm. BnF Département des manuscrits. Espagnol 30

Abraham Cresques (attrib.). Atlas de cartes marines, llamado [Atlas catalán]. 6 feuillets doubles de parchemin sur planche de bois, 645 x 250 mm. BnF Département des manuscrits. Espagnol 30. Cet atlas s’inspire partiellement des voyages de Marco Polo

Le récit du voyage de Marco Polo, reste un des plus fascinants. Depuis 1271, Marco entrepris un voyage de plus de 24 ans, en compagnie de son père et son oncle. Ils retournèrent à Venise chargés de richesses et Marco est devenu notable au sein du gouvernement vénitien.

Le récit de ce voyage fut mis en blanc et noir par Rustichello de Pise. Il a été publié avec le titre Le divisament du monde. Livre des merveilles du monde, mais en fin de comptes il est plus connu comme Il Milione. D’ailleurs, la version aujourd’hui considérée la plus fidèle se trouve dans la Bibliothèque nationale de Frace, et vous pouvez la télécharger ici. Marco et Rustichello se sont connus en 1298, quand le premier est fait prisonnier par les génois. Quant à Rustichello, ça faisait plus de dix ans qu’il était emprisonné. Auparavant, il avait écrit quelques romans de chevalerie en français et en provençal.

Dans les chapitres 30 et 31 de son livre, Marco Polo rapporte l’histoire de l’Adoration des Mages, assez curieuse :

Chapitre 30

À propos de la grande province de Perse. À propos des 3 mages

La Perse est, certainement, une grande et noble province, mais dès nos jours, les tartares l’ont dévastée. En Perse se trouve la ville appelée Saba, d’où sont partis les trois rois qui sont allés adorer Dieu quand Il est né. Dans cette ville sont ensevelis les trois Mages dans un très beau tombeau, et ils sont encore entiers, avec barbe et cheveux : l’un s’appelle Balthazar, l’autre Gaspard et le troisième Melchior. Mon seigneur Marco demanda dans cette ville à plusieurs reprises à propos des 3 rois : nul n’a pas pu lui dire que ce soit, sauf qu’ils étaient 3 rois ensevelis depuis très longtemps.

Après 3 journées de chemin, ils ont trouvé un château appelé Calasata, qu’en français veut dire « château des adorateurs du feu » ; et en vérité les habitants de ce château adorent le feu, et je vous dirai la raison. Les hommes de ce château affirment qu’anciennement, les rois de ces contrées, sont allés adorer un prophète qui était né, et ils ont apporté des cadeaux : de l’or pour savoir s’Il était un roi terrien, de l’encens pour savoir s’Il était un dieu, de la myrrhe pour savoir s’il était éternel. Et quand ils sont arrivés là où Dieu était né, le plus jeune est allé le premier le voir, et il lui a semblé qu’Il avait sa même figure et son même âge ; en suite, le deuxième est allé le voir et après le plus vieux : et chacun a eu l’impression qu’Il avait leur même figure et leur même age. Et quand ils ont écouté l’histoire des uns et des autres, il se sont beaucoup émerveillés, et ils ont décidé d’aller ensemble : et quand ils sont arrivés ensemble, les trois L’ont vu tel qu’Il était en réalité, c’est-à-dire, un enfant de 13 jours.

Ils Lui offrirent alors l’or, l’encens et la myrrhe, et l’enfant prit les trois cadeaux ; et l’enfant leur donna un coffret fermé. Et les rois entreprirent le chemin de retour vers leur province.

Marco Polo, Le Livre des merveilles, 1400-1420, f° 11 vta. BnF Département des manuscrits, Français 2810

Marco Polo, Le Livre des merveilles, 1400-1420, f° 11 v. BnF Département des manuscrits, Français 2810

31

À propos de trois Mages

Quand les trois Mages avaient chevauché plusieurs journées, ils voulurent voir ce que l’enfant leur avait donné. Ils ouvrirent le coffret et trouvèrent à l’intérieur une pierre, que Dieu leur avait donné en symbole de la solidité de la foi qu’ils venaient de commencer. Quand ils ont vu la pierre, ils se sont beaucoup surpris, et la lancèrent dans un puits ; quand la pierre tomba au fond, une colonne de feu descendit du ciel vers le puits. Quand le rois virent cette merveille, ils regrettèrent ce qu’ils avaient fait ; et ils prirent un peu du feu et l’amenèrent dans leur province et le mirent dans leur église. Et ils le gardent allumé et prient au feu comme si c’était Dieu ; et tous les sacrifices sont faits à ce feu, et s’il s’éteigne, ils reviennent à l’original, qui est toujours allumé, et ils n’allument jamais un nouveau s’il ne vient pas de l’original. Pour cette raison, dans cette province, ils adorent le feu; et tout ceci a été référé à mon seigneur Marco Polo et c’est la vérité. L’un fut le roi de Saba, l’autre d’Ava, et l’autre de Calasata.

Marco Polo, Le Livre des merveilles, 1400-1420, f° 12 rto. BnF Département des manuscrits, Français 2810

Marco Polo, Le Livre des merveilles, 1400-1420, f° 12 rto. BnF Département des manuscrits, Français 2810

Chap. 30

De la grande provincia di Persia: de’ 3 Magi

Persia si è una provincia grande e nobole certamente, ma ‘l presente l’ànno guasta li Tartari. In Persi è l[a] città ch’è chiamata Saba, da la quale si partiro li tre re ch’andaro adorare Dio quando nacque. In quella città son soppeliti gli tre Magi in una bella sepoltura, e sonvi ancora tutti interi con barba e co’ capegli: l’uno ebbe nome Beltasar, l’altro Gaspar, lo terzo Melquior. Messer Marco dimandò piú volte in quella cittade di quegli 3 re: niuno gliene seppe dire nullam se non che erano 3 re soppelliti anticamente.

Andando 3 giornate, trovaro uno castello chiamato Calasata, ciò è a dire in francesco ‘castello de li oratori del fuoco’; e è ben vero che quelli del castello adoran lo fuoco, e io vi dirò perché. Gli uomini di quello castello dicono che anticamente tre lo’ re di quella contrada andarono ad adorare un profeta, lo quale era nato, e portarono oferte: oro per sapere s’era signore terreno, incenso per sapere s’era idio, mirra per sapere se era eternale. E quando furo ove Dio era nato, lo menore andò prima a vederlo, e parveli di sua forma e di suo tempo; e poscia ‘l mezzano e poscia il magiore: e a ciascheuno p[er] sé parve di sua forma e di suo tempo. E raportando ciascuno quello ch’avea veduto, molto si maravigliaro, e pensaro d’andare tutti insieme; e andando insieme, a tutti parve quello ch’era, cioè fanciullo di 13 die.

Allora ofersero l’oro, lo ‘ncenso e la mirra, e lo fanciullo prese tutto; e lo fanciullo donò a li tre re uno bossolo chiuso. E li re si misoro per tornare in loro contrada.

31

De li tre Magi

Quando li tre Magi ebbero cavalcato alquante giornate, volloro vedere quello che ‘l fanciullo avea donato loro. Aperso[r]o lo bossolo e quivi trovaro una pietra, la quale gli avea dato Idio in significanza che stessoro fermi ne la fede ch’aveano cominciato, come pietra. Quando videro la pietra, molto si maravigliaro, e gittaro questa pietra entro uno pozzo; gittata la pietra nel pozzo, uno fuoco discese da cielo ardendo, e gittòsi in quello pozzo. Quando li re videro questa meraviglia, pentérsi di ciò ch’aveano fatto; e presero di quello fuoco e portarone in loro contrada e puoserlo in una loro chiesa. E tutte volte lo fanno ardere e orano quello fuoco come dio; e tutti li sacrifici che fanno condisco di quello fuoco, e quando si spegne, vanno a l’orig[i]nale, che sempre sta aceso, né mai non l’accenderebboro se non di quello. Perciò adorano lo fuoco quegli di quella contrada; e tutto questo dissero a messer Marco Polo, e è veritade. L’uno delli re fu di Saba, l’altro de Iava, lo terzo del Castello.

J’a repris la version en toscan de Marco Polo, Milione, editado por Ettore Mazzali. I Grandi Libri Garzanti. Milan: Garzanti, 1982.

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